Maxime Delcourt
03 October 2018
À contre-courant d'un monde qui se renferme sur lui-même au fil du temps, Charles Aznavour a toujours su s'ouvrir à de nouveaux vents, parfois contraires mais systématiquement en phase avec son époque. Quitte à la devancer par instant : il était celui qui, en 1956, osait parler de sexe avant tout le monde avec Après l'amour, celui qui, en 1960, avait pris le train de la Nouvelle Vague en marche avec le rôle de Charlie Kohler dans Tirez sur le pianiste de François Truffaut.
© Edmond Terakopian/Polaris/Photo News |
Il était celui qui, en 1972, dans une France conservatrice, abordait de front le thème de l'homosexualité avec Comme ils disent. Il était celui, aussi, qui intervenait il y a encore quelques semaines sur Clique.tv (de l'excellent Mouloud Achour)pour échanger avec la légende du basket américain LeBron James.
Enfin, il était surtout ce chanteur perpétuellement à l'écoute de ce que l'époque pouvait créer. À l'image de ces propos tenus, à 84 ans, sur le plateau de Tenue de Soirée en 2008 : « La chanson française, à l'heure actuelle, a un avantage fantastique : c'est que les rappeurs et les slameurs écrivent merveilleusement notre langue. On pense toujours que cette jeunesse ne connaît pas la chanson, au contraire, elle la connaît très très bien, mais elle veut s'exprimer d'une manière différente. Je trouve qu'il y a une floraison d'auteurs, de compositeurs et d'interprètes qui sont formidables aujourd'hui. »
© Bestimage/Photo News |
Les rappeurs, eux-mêmes, ont souvent rendu hommage à Charles Aznavour : que ce soit avec la compilation Aznavour, sa jeunesse ou à travers des samples devenus mythiques (Dr. Dre, Ideal J, Passi). Un juste retour des choses, finalement, quand on sait à quel point le chanteur français a toujours été un artiste internationaliste, populaire, qui aimait chantait le temps qui passe, sans aucune nostalgie, comme pour mieux s'en prévenir. Hier encore, lui aussi était d'ailleurs moqué, personne ne croyait alors en sa voix, éraillée et enrouée. Aujourd'hui, pourtant, elle fait partie de celles qui accompagnent « les plaisirs démodés », qui font écho à la vie d'homme simples (« Les émigrants », comme il le chantait) et ordonnent de « mourir d'aimer ».
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