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Filliers : le whisky dans la grande tradition de la distillation belge

DistillerieMade in BelgiumWhisky

Martin Boonen

20 December 2024

Il y a, à travers la culture du genièvre, une grande tradition de la distillation d’alcool de grain. En développant une gamme de single malt et de whisky de seigle d’une grande qualité, la distillerie Filliers rend un hommage appuyé à cet héritage. Bernard Filliers, qui vient de passer le flambeau de l’entreprise familiale à son jeune cousin Benoît, nous explique les raisons qui ont poussé la distillerie à développer une très intéressante gamme de whisky single malt et de rye whiskey’s.

Eventail.be – Le whisky en Belgique reste quelque chose de relativement nouveau, surtout comparé à l’histoire de la distillation dans le pays.
Bernard Filliers – Effectivement, le whisky est relativement nouveau chez nous. En Belgique, nous avons une grande tradition de distillation d’alcool de grain. C’est le cas, par exemple, du genièvre, qui est historiquement issu de nos régions. Je parle du nord de la France, des Pays-Bas, et de la Belgique, spécialement la région liégeoise, où on l’appelle péket.

© Filliers

– Une tradition dont le gin, très à la mode, est l’héritier
Exactement. Le genièvre est en fait plus ancien que le gin. À l’époque où l’Angleterre était gouvernée par une famille hollandaise, dont Guillaume III d’Orange, les produits hollandais comme le genièvre étaient importés en Angleterre. Cependant, en raison de leur succès et de la taxation, les Anglais ont commencé à distiller leurs propres spiritueux localement. Et c’est ainsi qu’est né le gin. En revanche, grâce à leur domination maritime et commerciale, les Anglais ont permis au gin de conquérir le monde, là où le genièvre n’a subsisté que dans ses régions d’origine.

© Filliers

– Produire du gin plutôt que du genièvre est donc plus porteur d’un point de vue commercial, surtout à l’étranger…
Nous avions un problème : la consommation de genièvre pur diminuait d’année en année. Le gin, en revanche, est une boisson mondiale. Nous avons donc commencé à produire du gin il y a une quinzaine d’années, avec un certain succès, il faut le reconnaître.

© Filliers

– C’est du gin que vous tirez votre expérience de l’élevage sous bois ?
Non, pas du tout. Il n’y a presque pas de gin vieilli en fût. Le gin est un produit distillé rapidement et mis en vente peu de temps après. En revanche, nous avons des genièvres vieillis, comme notre genièvre de 17 ans d’âge.

© Filliers

– Du genièvre vieilli en fût au whisky, il n’y a qu’un pas ?
Presque. Nous savions déjà distiller les grains et nous avions l’expérience de l’élevage sous bois, avec différentes essences : chêne américain, espagnol et français. Nous étions donc bien préparés pour nous lancer dans la production de whisky. Le whisky est un produit plus simple à produire que le genièvre, car il ne nécessite pas d’herbes ni de distillats différents. Cependant, le whisky doit vieillir au moins trois ans en fût pour être agréable à boire et répondre au cahier des charges légal de ce spiritueux.

© Filliers

– Il faut donc immobiliser le stock pendant trois ans avant de pouvoir le commercialiser ?
Oui, et même après trois ou quatre ans, le whisky n’est pas encore suffisamment mûr pour nous. À l’époque, nous avions commencé avec quelques fûts, et aujourd’hui nous en avons près de 6000. Dans un premier temps, nous avons testé nos whiskies en petit comité avec des spécialistes, sans impliquer la presse, pour éviter toute publicité négative en cas d’échec. Finalement, nous étions très satisfaits du résultat et, il y a cinq ou six ans, nous avons sorti un whisky de 10 ans d’âge, qui a été bien accueilli par la critique et le public. Nous avons commencé avec 5000 bouteilles, et nous en sommes à notre troisième ou quatrième série.

– Pour une distillerie patrimoniale comme la vôtre, ce genre de projet comportait-il des risques ?
Les risques étaient principalement financiers. Le marché était prêt, mais dominé par les Écossais, les Américains avec des marques comme Jack Daniel’s, et les Japonais qui avaient copié les techniques écossaises. En Belgique, Belgian Owl a également tenté l’aventure, mais avec des résultats mitigés (salué par la critique, les résultats financiers de The Owl Distillery d’Etienne Bouillon, reconnu comme l’un des meilleurs distillateurs au monde, n’ont jamais été à la hauteur du travail engagé par le Hesbignon. Ce dernier a même récemment quitté et cédé sa distillerie à ses associés, ndlr).

© Filliers

– Vous mettez en avant les whiskys de seigle, ce qui est intéressant. Est-ce l’héritage de votre histoire de distillateur d’alcool de grains ?
Le rye whiskey, le whisky de seigle, est une niche, surtout appréciée par les barmans pour la mixologie. C’est un grain épais et lourd, nécessitant beaucoup d’eau, mais avec un goût très spécial. Le seigle donne un côté très rond, très soyeux au whisky. Il lui donne un caractère très gourmand et savoureux.

© Filliers

– Comment envisagez-vous de développer la gamme ?
Nous avons deux single malts et deux whisky de seigle. Nous sortons également deux variétés entièrement vieillies dans d’anciens fûts de sherry, avec des finitions spéciales. Nous avons pris le temps d’investir dans différentes variétés pour avoir une gamme complète et diversifiée.

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