Sylvie Dejardin
24 February 2022
L’alimentation a radicalement changé en l’espace de 70 ans. L’industrialisation des procédés pour nourrir une planète toujours plus peuplée a eu de très graves répercussions sur la santé des individus. L’alimentation vivante vire à 180 degrés en mettant en valeur les savoir-faire ancestraux sans altération des produits par la cuisson.
Véronique Taburiaux © DR
L’Éventail – Qu’est-ce que l’alimentation vivante ? Quels en sont les principes ?
Véronique Taburiaux – L’alimentation vivante nous vient des États-Unis. Elle a été mise au point par Ann Wigmore, naturopathe, qui préconisait un retour à la nature et à l’alimentation crue pour détoxifier l’organisme et retrouver l’équilibre. Elle a donc pour but de couvrir l’ensemble des besoins pour optimiser la santé, et ce, à tous les niveaux, tant sur le plan physique qu’énergétique, avec une composante spirituelle de préservation de tout ce qui est vivant. Qualité des sols et qualité des aliments sont intimement liées, ce qui est une composante essentielle dans la vision holistique de l’alimentation vivante. La noblesse d’un fruit ou d’un légume dépend directement de l’écosystème dans lequel il a été cultivé. Le monde du vivant est donc caractérisé par sa richesse en enzymes et en nutriments, mais aussi en ferments. Ainsi, graines germées (radis, poireaux, alfalfa…), jeunes pousses comme le cresson, fenugrec, petits pois, aliments lacto-fermentés comme les pickles ou la choucroute, préparations à base de soja non pasteurisées comme le miso, le tamari, les laits, les yaourts et les fromages végétaux sont au cœur du concept. L’alimentation vivante, stricto sensu, est exclusivement végétale, crue, germée autant que possible, lactofermentée, avec une éviction totale des protéines animales. Le crudivorisme, c’est bien plus que de consommer les aliments non cuits, bios, de saison, c’est une véritable philosophie au plus proche de la nature.
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– Pouvez-vous conseiller ce type d’alimentation à tout un chacun, vu les problèmes digestifs qu’affrontent bon nombre de personnes ?
– Cette alimentation est assez restrictive et ne convient pas à tout le monde. Mais force est de constater que les flores intestinales d’aujourd’hui contiennent de moins en moins de variétés bactériennes. Ceci est à l’origine de nombreux problèmes digestifs, allergiques, d’intolérances et d’une baisse de l’efficacité du système immunitaire. En fonction de la personne, il faudra travailler en plusieurs étapes, en enlevant les aliments problématiques dans un premier temps, puis en réintroduisant, progressivement une nourriture de qualité pour réensemencer l’intestin afin qu’il retrouve une fonction optimale.
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– D’après vous, est-il nécessaire de tout manger cru et d’exclure toute protéine animale ?
– Alimentation vivante, raw food et véganisme vont de pair. C’est ici que j’apporte de la nuance, car je n’exclus pas les protéines animales, ni même la cuisson. Viandes et poissons seront consommés avec grande modération, soit crus comme des carpaccios de bœuf, des tartares ou des ceviches de poissons, soit cuits au four à basse température ou à la vapeur. Je n’utilise pas de taques de cuisson. Malgré tout, certains aliments comme la tomate ont des valeurs nutritionnelles supérieures quand elles sont cuites, avec une concentration en lycopène plus intéressante. L’alimentation conventionnelle a perdu cette notion de vivant, de ferments et d’enzymes. Par contre, en fonction du terrain de la personne et de la saison, je vais favoriser tantôt le cuit, tantôt le cru. Par exemple, les salades en hiver seront moins bénéfiques qu’en été.
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– En pratique, que conseillez-vous aux néophytes ?
– Se mettre à l’alimentation vivante demande un peu organisation. Commencer déjà par s’équiper en huiles de première pression à froid, en lentilles, en oléagineux, en végétaux de qualité irréprochable est un bon début. Investir dans un cuiseur vapeur est minutieux aussi. D’abord, faire germer ses légumineuses après 24 heures de trempage, ensuite tremper les noix, amandes, noix de cajou quelques heures, voire une nuit, pour décupler leur potentiel nutritif. Pour cuire une viande ou du poulet dans le four, on n’excèdera pas 85°C, mais en fonction de la quantité cela peut prendre beaucoup de temps. Par contre, un poulet coupé en morceaux et cuit à la vapeur avec des aromates aura une tendreté remarquable et un goût divin. Il est alors tout à fait possible de passer à table en trente minutes chrono. Le petit-déjeuner pourra se composer, par exemple, d’une tranche de pain essénien (pain sans cuisson, réalisé avec des graines germées) tartiné de houmous préparé, cela va sans dire, avec des pois chiches germés ou encore un smoothie vert composé d’amandes, d’un fruit, de feuilles de laitue ou de pourpier, de curcuma et d’un peu d’huile.
La santé, c’est manger varié, de qualité, en équilibre, tout en respectant les filières, la biodiversité des écosystèmes et de prendre du plaisir avant tout.
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